Pourquoi Midnight allait-il à la gare? Il ne savait pas trop. La nostalgie sûrement. Les souvenirs aussi. Le jour du départ de son frère, il se trouvait ici, sur le quai, regardant le train s'éloigner. Mais pas une fois son frangin ne lui jeta un regard. Midnight l'avait mal pris au départ, puis vint à penser que c'était pour ne pas montrer sa tristesse qu'il avait fait cela. N'empêche que ça lui avait fait du mal un départ pareil.
C'était l'heure des arrivées. Il y avait du monde sur les quais, des familles attendant le retour d'un père en voyage, des jeunes femmes attendant l'arrivée de l'élu de leur cœur. Et il y avait Midnight qui lui n'attendait personne, se contentant de longer le quai, les mains dans les poches et le regard vide.
Au bout d'un moment, le train arriva en gare. Très vite, ça se mît à fourmiller autour du jeune homme qui se faisait bousculer dans tous les sens. Ça n'allait pas pour lui plaire. Pour éviter d'être désagréable avec quelqu'un qui ne lui avait rien fait, il s'éloignait donc, pour se diriger du côté du bar de la gare.
Midnight fut étonné de trouver là non loin, un type assis sur une valise, avec un chat à côté de lui, en train de manger un sandwich. Le jeune homme s'approcha, prit une pièce et la posa au pied de l'homme. Midnight s'éloignait quand il entendit un cri indigné.

Hey! Je suis pas un clochard!

Midnight se retourna. Aussi aimable qu'à l'accoutumée, il répondit un poil agressif:

"Ah bah désolé je pouvais pas savoir! Fallait pas s'asseoir là si vous n'êtes pas un clochard."

Les bras croisés, Midnight gardait cet air un peu agressif qu'il arborait depuis tout à l'heure. Même s'il ne ferait jamais de mal à personne, à moins qu'on le cherche. Il savait aussi que l'homme risquait de mal le prendre, mais il finirait pas lui expliquer d'une façon ou d'une autre.

Lorsque le type lui répondit sur le même ton, Midnight manqua de perdre son self-control. Il avait tellement tendance à ne pas se laisser faire qu'un coup de poing involontaire était vite arrivé. Et ça finissait mal la plupart du temps. Bref, Midnight dût se faire violence pour ne pas laisser partir un coup malencontreusement. Il se contenta de répondre insolemment:

" En même temps comme vous êtes assis, je peux pas la voir votre tête! Je suis pas un médium non plus!"

L'homme était reparti s'asseoir. Midnight n'avait pas bougé, toujours les bras croisés. Autour d'eux, des personnes s'étaient arrêtées, pensant sûrement assister à une bagarre. Mais ce ne serait sûrement pas le cas. L'agressivité de Midnight retombait au fur et à mesure. D'ailleurs, le voyageur aussi. Il avait fini son sandwich et s'était relevé. Il tendait la main à Midnight qui le fixait, méfiant. Pas qu'il n'avait pas confiance, mais il était souvent sur ses gardes.

Veuillez me pardonner, le voyage a été long. Je me nomme Ripley Priest, Psychologue, je viens emménager dans cette petit bourgade.

Finalement, Midnight n'allait pas trop lui en vouloir. Il avait beau faire la tête pour un rien, il comprenait que les voyages étaient fatigants tout de même. Il serra la main de Ripley avant de répondre, plus souriant et amical.

"C'est pas grave, je n'aurais pas dû m'emporter non plus. Je m'appelle Midnight Folks, habitant de la ville et serveur au bar."

Il marqua une pause et ajouta:

" Vous avez besoin d'aide pour vous y retrouver ici?"

Donc comme ça, le nouveau psy du quartier ne savait pas où aller... Ça ne gênait pas Midnight de l'aider pour cette fois, il avait besoin de se changer les idées, au risque de devenir franchement plus désagréable qu'il ne l'avait été jusqu'à présent. Ripley regarda sa carte et dit qu'il devait aller dans le quartier Loe. Autant dire qu'il avait de la chance aujourd'hui!

"Vous êtes chanceux, j'habite moi aussi dans le coin. On est peut être voisins qui sait?"

Puis le voyageur attrapa ses bagages et une cage dans laquelle se trouvait un chat. Ce dernier n'avait pas l'air content et voulait griffer le psy qui ne semblait pas y faire beaucoup attention. Il présenta le chat à Midnight et ce dernier en conclut qu'il devait beaucoup y tenir. Et être seul aussi. La solitude, il savait l'effet que ça faisait depuis bien longtemps. Il avait aussi subi celle des autres. À ces pensées, son regard changea et devint beaucoup plus triste que d'ordinaire. Midnight répondit, l'air un peu absent:

"Elle est jolie. Malgré qu'elle est l'air énervée maintenant, je pense qu'elle n'est pas si méchante?"

Puis il se détourna. Midnight ne voulait pas qu'on le voie triste. Il détestait montrer ses faiblesses. Il avancait d'un pas nonchalant, les mains dans les poches. Tout en marchant, il ajouta:

"Vous venez?"